Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
  le blog de Jean-Luc BURGUNDER

Au-delà de mes opinions écologistes et de mon engagement depuis 1970, je suis libre de ma pensée et un citoyen comme les autres. J'ai mes certitudes, mes doutes, mes questionnements, mes coups de cœur, mes espoirs, mes colères et une curiosité toujours en éveil. De plus, sur ce blog, je ne me limite pas à la politique institutionnelle mais élargi ce périmètre à toutes les dimensions de la vie. La politique n’est-elle pas la vie de la citée ?

Cabu et les autres, tous les autres, tués par des individus sans foi ni loi......

Cabu et les autres, tous les autres, tués par des individus sans foi ni loi......

UNE ANNÉE EST PASSÉE, DÉJÀ

C’est vers midi le 7 janvier 2015 que la radio diffuse un message : « des évènements graves se seraient produits dans les locaux de Charlie-Hebdo ». Très vite, des précisions sont apportées : « Il y aurait plusieurs morts, des blessés graves… », nouvelles inquiétantes et anxiogènes. Outre la gravité de l’évènement en lui-même, le premier nom qui s’impose à moi comme un coup de poing dans l’estomac, est celui de Cabu. Qu’en était-il pour lui ? Hé oui l’inquiétude peut être sélective, avant je n’y avais jamais pensé. Plus les minutes s’égrainent, plus le carnage s’impose, plus l’angoisse grandit. Le temps, les minutes sont des éternités. A 14 h la terrible nouvelle tombe et annonce la mort de « quatre » dessinateurs Cabu, Charb, Tignous et Georges Wolinski. La nouvelle est glaçante. Dans la journée la liste s’allonge avec Philippe Honoré, Bernard Maris et tous les autres à commencer par l’agent d’entretien pour arriver à douze victimes dont deux policiers.

On sait que le danger rôde. Des menaces sont régulièrement proférées depuis la publication des caricatures en 2005 et l’attentat qui a détruit les bureaux de Charlie en novembre 2011. Mais de là à imaginer un acte barbare de cette ampleur… Le soir comme beaucoup d’autres, je me suis retrouvé hébété à un rassemblement spontané à Montargis. Au deuxième rassemblement, trop affecté et encore sidéré, j’ai décidé de ne plus participer à ces rassemblements.

Hébété pourquoi ? Cet attentat me concerne et m’atteint individuellement à plusieurs niveaux : personnel jusqu’à l’intime, culturel, professionnel et politique.

Personnel et intime Durant les années 70, 80 et début 90 j’ai beaucoup croisé Cabu et les siens, Isabelle Cabut-Morin et leur fils Manu bien avant qu’il ne devienne Manu-Solo. Dans les années 90, Isabelle (entre temps divorcée d’avec Cabu) sera la dernière secrétaire de rédaction d’Ecologie-Infos. Dernièrement dans un rangement je classais mes vieux agendas et au fil des pages j’ai retrouvé, ému, les traces de nos nombreuses rencontres. Que du bonheur. ! Aujourd’hui, tous les trois ont disparu, un destin bien cruel. Au-delà, nous sommes dans ce domaine privé et intime qui se doit de rester confidentiel.

Culturel d’abord, à travers la saga des Hara-Kiri (mensuel et hebdo), des Editions du Square, de Charlie (mensuel BD et hebdo en remplacement d’Hara-Kiri hebdo interdit par le pouvoir en novembre 70), puis la Gueule Ouverte premier journal écolo à grand tirage. Pour moi la rencontre avec ces titres a été la révélation de la liberté d’être.

Des anticonformistes qui montrent leurs culs à une société guindée et coincée dans ses certitudes, non seulement c’est jouissif mais révolutionnaire, sans idéologie et sans dogmatisme. Une remise en cause permanente de tous ceux qui ont des velléités d’imposer à d’autres leurs « vérités ». Imaginez, que d’air pour un jeune adulte des années 60. Incroyable espace de liberté, de créativité, de connaissance, de dérision mais aussi ce génie d’entretenir en permanence une formidable capacité d’autodérision. Charlie c’est un état d’esprit qui diffuse bien au-delà du journal lui-même. La caricature fait partie de la culture française et Charlie-hebdo s’inscrit dans l’importante lignée de la presse satirique apparue en France en 1789 avec la Révolution française. Tous républicains : La Silhouette, La Caricature, Le Charivari, Le Figaro, ces grands pionniers du XIXe siècle. Le Figaro racheté, en 1832 par des monarchistes plus libéraux proches de Louis-Philippe, aujourd’hui ne fait plus rire personne. Au XXème siècle, avec l'Assiette au beurre, Hara-Kiri et Charlie Hebdo en passant par Le Canard enchaîné, et d’autres encore, ce sont les engagés anarcho-libertaires qui s’expriment pour notre plus grand bonheur.

Professionnel L’essentiel de mes relations se sont faites avec l’équipe du premier Charlie, celui qui arrêta de publier en 1982. Celui de Cavanna, Cabu, Fournier, Wolinski, Reiser, Gébé, Choron, Willem, Siné et tant d’autres. La relance du Charlie-Hebdo s’est faite en septembre 1992 alors qu’Ecologie-Infos venait de cesser toute parution depuis le printemps. Notre collaboration régulière avec Cavanna et Cabu s’est de fait arrêtée. Charlie, dès 1970 nous a accompagnés dans nos activités d’abord en relayant nos informations, puis au fil du temps, par des collaborations avec des personnes en particulier. Une partie des chroniques de Cavanna publiées dans Ecologie-Infos ont fait l’objet en 1991 d’un bouquin aux Editions de l’Archipel sous le titre « La belle fille sur le tas d’ordures » illustré de dessins de Cabu. Aujourd’hui, pour illustrer ces lignes du blog, je dois choisir entre quelques centaines de dessins de Cabu, et finalement j’ai opté pour ceux qu’il a réalisés lors de nos campagnes d’abonnements.

Politique bien-sûr parce que Charlie n’est pas neutre. C’est par le dessin et le texte qu’il ne cesse de dénoncer ce que tant d’autres ne font pas ou si peu qu’on ne le remarque même pas. Il donne du sens à la provocation avec une profonde réflexion et propose «un autre monde, d’autres manières de penser, d’autres pistes ». Il se donne toute latitude dans son expression, il incarne la liberté de la presse, la liberté d’expression, valeurs de notre pays et de sa république laïque. « Vulgaire et outrancier » s’indignent tous les tartuffes bien-pensants. Mais justement c’est par le dessin que Charlie renvoie à la société, à ses dominants et aux vertueux leur propre vulgarité qui tous les jours agresse les quidams du monde entier et fait crever le monde vivant. Ha, pour les faux-cul dur-dur l’épreuve du miroir…la caricature laisse peu de chance à ceux qui n’ont ni humour, ni recul sur eux-mêmes.

Charlie défend la laïcité et la liberté de croire ou de ne pas croire. L’incroyable attitude des censeurs religieux dans leur toute puissance n’est pas acceptable. Se posent-ils une seconde la question de savoir s’ils respectent ceux qui n’adhèrent pas à leur foi ? Se posent-ils la question si leurs pratiques et leurs postures dans la société ne heurtent pas la conscience des non croyants qui devraient dans tous les cas fermer leurs gueules ? Ce n’est rien d’autre que de la discrimination et, au nom de leur foi, ils n’hésitent pas à détruire les lieux de culte et les populations de toute autre croyance. Peu d’athées se livrent à ce type de comportements.

Par les temps qui courent, conserver l’impertinence et l’esprit critique est plus que jamais impératif. Surtout ne pas abdiquer au prétexte que dire les choses ne serait jamais le moment. On appelle ça la censure, pire l’autocensure. Chacun dans sa sphère privée a droit de croire ou non. Ce que Charlie dénonce, ce sont les ultras de tous les camps. Qu’on ne s’y trompe pas, ceux qui ont massacré l’équipe de Charlie ne sont rien d’autres que des individus sans foi ni loi.

Juste un mot pour ceux et celles qui ont continué pour reconstruire Charlie, compte-tenu de la lâcheté des assassins et du traitement qu'ils lui ont fait subir, j’ai beaucoup d’admiration et de tendresse pour Coco. Ils me manquent tous, cruellement.

Cabu et les autres, tous les autres, tués par des individus sans foi ni loi......
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article